En plus d'avoir chamboulé le marché de la littérature jeunesse, la saga Harry Potter a aussi remis au goût du jour une forme de récit ancestrale : le bildungsroman. Né en Allemagne au XVIIIéme siècle cette forme de récit ( que l'on appelle aussi roman initiatique ou d'apprentissage ) s'oppose alors au romanesque. On y découvre alors un héros , dont on suivra le cheminement et la formation jusqu'à ce qu'il puisse affronter le monde extérieur. Ce dossier tentera d'analyser en quoi la saga Harry Potter ( et plus particulièrement les films) est un pur récit d'apprentissage.
Partie 1 : La structure
On pourrait penser , du fait des nombreux événements à couvrir à chaque film et de la durée qui s'écoule durant chaque film, que les films de la saga Harry Potter sont organisés selon une structure bien particulière qui échapperait aux trois actes conventionnels. Regardons ça de plus près et commençons par le premier acte : l'exposition.
Mais d'abord demandons nous : à quel moment s'arrête l'exposition ? Notamment dans Harry Potter à l'école des sorciers. Car selon l'ouvrage de Christoper Vogler, le premier acte d'une histoire est composé de plusieurs étapes , avec tout d'abord une présentation de ce qu'il appelle Le monde ordinaire en l’occurrence ici, le quotidien d'Harry chez les Dursley. Seconde étape , L'appel de l'aventure qui ici est matérialisée par l'arrivée d'Hagrid. Les étapes suivantes énoncées par Vogler n'apparaissent pas ou alors sont déplacés dans le récit. Celle où le héros refuse l'appel à l'aventure en se montrant réticent n'apparaît pas dans ce film, de même que la rencontre avec le mentor qui arrive au bout d'une heure et demie de film juste après qu'Harry se soit aventuré dans la réserve de la bibliothèque , un moment clé dans la structure du film car il s'agît du Passage du premier seul, toujours selon Vogler il s'agît du moment où le héros prend en main la résolution du problème. Ici Harry ne se contente plus d'observer le monde mais d'agir sur lui.
De par l'aspect foisonnant de son univers, définir la fin de l'exposition dans une telle saga n'est pas si facile. Car Harry , tout comme le spectateur continuera à poser des questions sur l'univers qu'il entoure. Il s'agît du procédé du "poisson hors de l'eau'' utilisé dans de nombreux films pour expliquer les règles d'un univers. https://popfiction6.wordpress.com/2018/10/21/inception-matrix-ou-comment-expliquer-les-regles-dun-monde/
Plus la saga avance plus l'exposition se raccourcit, les connaissances d'Harry ( et par la même celles du spectateur ) s'enrichissent . Afin d'illustrer ça, mesurons au bout de combien de temps Harry se retrouve à Poudlard ( en partant de l'entrée dans le Poudlard Express) dans les six premiers films :
Harry Potter à l'école des sorciers : 34 minutes.Harry Potter et la chambre des secrets : 26 minutes.Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban : 18 minutes.Harry Potter et la coupe de feu : 13 minutes.Harry Potter et l'Ordre du Phénix : 27 minutes.Harry Potter et le prince de sang-mêlé : 22 minutes.
Si l'on remarque une baisse du temps d'exposition chez les Dursley au fil de la saga, c'est que le spectateur a de moins en moins besoin de voir évoluer Harry à l'intérieur de son monde ordinaire qui n'est plus vraiment le sien.
En revanche on remarque que dès l'épisode 5 , le temps avant qu'Harry ne rejoigne Poudlard se rallonge, comme pour indiquer au spectateur que le combat contre les forces du mal s'étire en dehors des murs de l'école de Dumbledore.
En ce qui concerne le deuxième acte, il va toujours mettre Harry et ses amis en difficulté, tout en donnant les clés pour les affronter. L'exemple le plus parlant est lors du cours du professeur Flitwick dans le premier épisode de la saga. Cette scène, d'apparence anodine ( bien que désormais culte à cause d'Internet) nous présente un sort, son nom, l'intonation à donner et le mouvement à effectuer. Placer un élément d'apparence anodine qui aura son importance plus tard s'appelle le "set-up/ pay-off". Rien de très nouveau mais cette scène est un bon exemple de la manière dont Harry ne cessera jamais d'apprendre des choses durant son aventure. Plus tard c'est cette formule magique qui lui permettra de sauver Hermione et surtout de sceller une amitié plus que précieuse.
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Un autre exemple de cette outil narratif se trouve aussi dans le premier film de la saga, lors d'une scène dans la Grande salle , Hermione rejoint Harry et Ron qui joue à un jeu d'échecs, là aussi, les connaissances de Ron seront plus qu'utiles lors de l'épreuve finale .Car tous les pièges imaginés par les enseignants de Poudlard sont aussi un moyen pour Harry , Ron et Hermione de se réaliser selon leurs compétences. Car l'on apprend aussi par le jeu et dans ces moments plus informels diront nous. Poudlard se présente alors comme un véritable lieu de savoirs où se mélange les savoir institutionnels, les savoirs informels et même les savoirs interdits ( la Réserve ). Oui même pour toi Ron.
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En ce qui concerne le dernier acte, celui-ci est composé, toujours selon Vogler de différentes étapes que l'on retrouve presque toutes à la fin des six premiers films. Le troisième acte commence lorsque le mal a été vaincu ou que le personnage principal à résolu son conflit intérieur.
Vogler parle alors du Retour avec l'élixir, cet élixir qui peut autant être un artefact que la sagesse et l'expérience acquise durant l'odyssée du héros.
Ici cette étape est bien souvent récompensé par les paroles sages du mentor ( Dumbledore ) qui finira d'éclaircir les interrogations du héros et l’aiguillera vers la leçon à retenir de son aventure. La dernière scène du premier film de la saga illustre d'ailleurs parfaitement cette étape, juste avant de monter dans le train, Harry répond à Hermione qui trouve étrange le fait de rentrer chez soi après une telle aventure , en lui disant qu'il ne rentre pas chez lui, pas vraiment. Fort de son aventure , Harry est désormais en capacité de modifier le monde ordinaire duquel il est parti.
Lors du troisième acte d'Harry Potter et la chambre des secrets, une scène illustre aussi parfaitement une des étapes décrites par Vogler : Le chemin du retour . Dans cette étape, le héros subit les conséquences de sa victoire contre la menace principale, ici Lucius Malefoy tente de tuer Harry Potter après sa victoire contre Lord Voldemort.
Même chose pour le troisième opus de la saga où si Dumbledore feint de ne pas comprendre ce qu'il se passe c'est Remus Lupin qui conclut et résume l'aventure en rappelant à Harry que ses actes et ses choix ont sauvé la vie d'un homme.
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Cette structure se répétera jusqu'au cinquième film. Harry met à chaque fois moins de temps pour quitter son monde ordinaire car ses connaissances s'accumulent , il vit des aventures et se confronte à diverses épreuves. Ces diverses épreuves le font grandir mais il a besoin de son mentor pour compléter la leçon. Dumbledore éclaircit les zones d'ombres de l'intrigue ( ou pas ) mais surtout donne à Harry la leçon de son aventure. Qu'a t'il appris durant cette année ?
Evidemment tout change au sixième épisode.
Tout d'abord pour la première fois , c'est Dumbledore en personne qui l'enlève de son monde ordinaire. Dumbledore le considère presque comme son égal et il prend part activement aux missions de Dumbledore, il est un véritable partenaire et allié. Dumbledore n'a pour ainsi dire plus rien n'a lui apprendre, et pour cause. L'école est finie pour nos trois personnages principaux après cette épisode. Poudlard privé de son mentor ne pourra plus rien leur apprendre, ils sont désormais prêt à affronter le monde extérieur.
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