Malgré la recrudescence de films Star Wars en salles depuis le rachat par Disney, il n'est toujours pas évident d'écrire sur un nouvel opus de la saga. Surtout lorsque ce dernier à l'ambition de conclure, en plus d'une trilogie, toute une saga, tout un héritage même. Film conclusif d'une trilogie critiquée dès son annonce, fustigée pour son manque d'audace, puis condamnée pour ses prises de risques. Contenter tout le monde semblait alors impossible, et c'est la tâche qu'a du relever JJ Abrams. Plutôt que de s'attarder sur certains défauts du film, on va essayer de se poser la question : comment pouvait il en être autrement ?
Avant tout cela, The last jedi aura divisé les fans de Star Wars en deux camps, si certains ont appréciés les prises de risque du film et la thématique du film, d'autres ont reçu ces choix comme une trahison envers l'oeuvre originale de Lucas. Là où The last jedi avançait l'idée qu'il n'était pas nécessaire de venir d'une grande famille ayant hérité de la Force pour profiter de son pouvoir ( Skywalker), en affirmant l'aspect universel de la force, notamment à travers son plan final. En brisant le casque de Kylo Ren, Johnson tentait de se départir de l'héritage de Lucas pour trouver sa propre voix ( l'arc de Kylo Ren étant un véritable arc d'émancipation ). Tout les portes que Johnson semblait avoir ouvertes , ont été refermés soigneusement par Abrams dès la première bande-annonce de Rise of Skywalker. Le retour de Palpatine, Kylo Ren qui ré-assemble son casque, ce rétropédalage qui pourrait être vu comme une volonté de satisfaire les fans de la trilogie originale sans prendre de risque exprime aussi le point de vue d'Abrams sur la question de l'héritage, en énonçant cette vérité difficile, on ne peut pas ignorer l'héritage de Lucas, il est trop fort et trop lourd à porter. Il n'est même pas sûr qu'Abrams ait jamais eu l'ambition de casser le moule de Lucas, tant il le porte en respect depuis son enfance. Rappelons qu'Abrams est le réalisateur de Super 8, film nostalgique et moderne certes, mais qui n'innove jamais, préférant placer le cinéma des années 80 dans un sublime écrin.
Malgré ces choix qui pouvaient sembler douteux, The Rise of Skywalker s'ouvre sur une scène stupéfiante de beauté, de mystère et de puissance et cette exigence visuelle s'étendra sur tout le film. Si Abrams reprend son style de réalisation énergique et parfois trop haché sur certaines scènes d'actions ( le désert notamment même si cette dernière regorge d'idées, sa gestion de l'espace est hasardeuse ) , il fait un effort surhumain en termes de compositions et restitue à merveille les concept art du film pour donner à certains décors une grandeur stupéfiante. Nul doute que la beauté du film de Johnson a forcé Abrams a soigner l'esthétique du film qui souligne toujours l'aspect grandiloquent de ce chapitre final. Si la mise en scène du retour de Palpatine pourra sembler ridicule pour certains, elle n'en reste pas moins chargée d'une iconisation forte faisant de lui le méchant définitif de cette saga. Et l'idée d'en faire le réceptacle de tout un peuple et d'une culture Sith renforce l'aspect conclusif du film , qui je le rappelle , est censé conclure une saga de 9 films.
Le rythme du film, très enlevé , nous est annoncé dès l'entame avec un ultimatum de 16 heures qui va driver toute l'intrigue et l'enjeu sera alors de récupérer certains artefacts pour contrer la menace d'un empire qui n'aura jamais été aussi puissant. Le film sera alors à l'image des ricochets à vitesse lumière qu'enchaîne Poe dès le début du film ( fantastique idée d'ailleurs ), si ce type de structure et d'échelle de temps réduite a tendance à créer des raccourcis dans le scénario, elle n’empêchera pas d'illustrer la thématique du film à travers l'arc de chaque personnage ( ce qui , il est vrai n'était pas toujours le cas dans The last jedi , notamment pour Finn). Chacun de ses personnages se verra alors confronté à son passé, à sa famille d'origine ( Rey ) ou à ses allégeances passées ( Poe et Finn ) en montrant pour chacun qu'ils peuvent échapper à ce déterminisme et trouver leurs propres voies.
C'est là où la révélation des origines de Rey trouve tout son sens, en nous présentant une protagoniste issue du mal profond, incarné par Palpatine. La phrase de Leia ( n'ai pas peur de ce que tu es ) résume toute la thématique du film. Apprendre à accepter son héritage, son passé, si difficile et compliqué soit-il , pour s'accomplir au sein de notre véritable famille, celle que l'on se crée. Une nouvelle fois, comme dans l'épisode 7 , l'héritage est un tribu lourd à porter. Kylo Ren devra lui accepter le poids de ses actes pour redevenir le Ben qu'il était et se réaliser en tant qu'individu , libéré du joug de ses aînés. Personnage fascinant tout le long de cette trilogie ( difficile de ne pas avoir Abrams parler à travers lui de sa difficulté à gérer l'héritage de Lucas ) ,sa rédemption est bouleversante ( le simple fait de le voir sourire )et Adam Driver réussit à éviter tous les pièges tendus par une écriture parfois peu subtile.
La véritable révélation de cet opus concerne Rey, dont la force, la complexité, le doute et la candeur sont impeccablement incarnés par Daisiy Ridley qui livre une performance magistrale. Si Kylo Ren est un des méchants les plus fascinants de ces dernières années, la relation entre lui et Rey amorcée depuis l'épisode 8 est un des moteurs de cette nouvelle trilogie , rebattant souvent les cartes entre le bien et le mal et donnant une dynamique nouvelle au rapport entre protagoniste et antagoniste au sein de la saga Star Wars. En plus de donner naissance à des idées de mise en scène sublimes qui dynamisent à nouveau les affrontements au sabre laser portées à son paroxysme de chorégraphie dans la prélogie.
En s'écartant un peu de ce dernier opus, on remarquera que les affrontements au sabre laser dans cette nouvelle trilogie ont été énormément repensés en termes d'enjeu, seul celui du 7éme opus réinstaure ce rapport protagoniste-antagoniste entre Rey et Kylo, mais dès le huitième opus, il n'existe plus, le combat au sabre laser est d'abord une façon de mettre en scène le lien et la complémentarité de Ren et Kylo, puis lorsque Kylo affronte Luke, il débouche finalement sur une impasse, Luke évitant ingénieusement les coups, et n'étant même pas présent. Même chose pour cet opus, où l'affrontement au sabre n'est plus une finalité, mais plutôt une manière pour Ren et Kylo de dialoguer entre eux, de se rapprocher, de se toucher. Une manière de dire ici que cette saga n'a pas rien inventé.
Autre chose que l'on ne pourra pas enlever à ce film ( et à cette trilogie ) ce sont ses personnages et l'empathie qu'ils ont su créer. Que ce soit dans leurs rapports avec les anciens personnages de la saga ( Rey/ Chewie, Poe/Leila ) ou bien à travers chacune de leurs interactions, ça fonctionne et ça fonctionne magnifiquement. Derrière la grosse machine Disney, derrière une écriture parfois chaotique en coulisses, il restera toujours ce trio de personnages, immédiatement sympathique. Une véritable performance de réussir à faire exister un trio de personnages qui partagent finalement peu de temps à l'écran réunis et qui dans l'inconscient collectif ont réussi à être aussi marquant que des personnages de la trilogie originale sans avoir une impression de redite. Les voir s'enlacer lors de l'épilogue restera une image forte.
Les anciens personnages auront eu droit à un baroud d'honneur final plus qu'honorable et bien souvent très émouvant, la disparition de Carrie Fisher renforçant malgré elle l'aspect émotionnel du film qui reste très émouvant malgré les grosses ficelles du scénario ( beaucoup de fantômes parfois ). Mention spéciale au cri déchirant de Chewbacca personnage au destin terrible durant cette nouvelle trilogie qui aura vu tous ses amis partir un par un. Cruel destin pour une trilogie censée être dédiée au fan-service.
Enfin, si l'écriture de ces films en coulisses nous parait hasardeuses ( on y verra sûrement plus clair dans les années à venir ) ,n'oublions pas que celle de la trilogie originale le fut aussi, pour des raisons différentes ( sans ingérence du studio) , mais il y aussi eu des désaccords. Notamment entre Lucas et Gary Kurtz, ce dernier voulant faire de Han Solo un martyr et rendre sa mort définitive. Tout le prologue du retour du jedi pouvait alors aussi être vu comme un retour en arrière vis à vis de la noirceur de l'opus précédent. Ça vous rappelle quelque chose ?
En guise de conclusion Abrams donne à Rey le nom de Skywalker ,assoyant enfin sa légitimité envers l'héritage de Lucas, un héritage dont il faudra à l'avenir, enfin se défaire car il est difficile ici de ne pas penser au Retour du Jedi, tant le film se pose comme un film miroir de ce sixième opus ( la bataille finale, la rédemption de Kylo, le décor de l'étoile de la Mort ). Il apparaît lui aussi comme le plus généreux de la trilogie, mais aussi comme le moins subtil. Comme dit plus tôt, pouvait-il en être autrement là où cette trilogie, depuis le septième opus, ne cesse de parler de Star Wars, autant lorsqu'elle essaye d'affirmer son affiliation ( le Réveil de la Force ) que lorsqu'elle essaye de s'en défaire ( Les derniers jedi ) , en toute logique ce dernier porte en lui ce sous-texte presque méta. Une trilogie mettant en scène des personnages ayant grandi avec les récits des exploits de ses aînés, créés par des artistes ayant eux aussi grandi avec le mythe Star Wars. Aurait t-il été possible de produire une autre série de films Star Wars sans évoquer cet héritage ? Pas sûr. Peut-être avions nous besoin, avant de s'envoler vers d'autres galaxies, d'autres personnages, de faire comme C3PO, de poser un dernier regard sur nos meilleurs amis, avant de les laisser partir..
Pour aller plus loin
Un article en deux parties qui revient sur toute la saga Star Wars et son essence :
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