Après être revenu sur ce qui constituait l'essence de la trilogie originale dans une première partie Star Wars , cette seconde partie s'intéressera à l'évolution de la saga Star Wars. Du contrôle total de George Lucas sur son univers à sa récupération par le studio Disney.
Prélogie politique
Retour en 1983, Le retour du Jedi est enfin dans les salles, la conclusion épique attendue de pied ferme par tous les fans de la saga,surtout après le cliffhanger dévastateur de l'épisode précédent. Le film a aussi laissé ses personnages en bien mauvaise posture, Luke est blessé, Han Solo capturé , la saga n'a jamais été aussi noire et profonde. Difficile alors de passer après un tel épisode, Le retour du jedi laissera vite retomber cette noirceur pour proposer une épopée spatiale enjouée et presque naïve par moment. On reprochera alors à cet opus d'être trop consensuel par rapport à l'opus précédent, répétant ainsi des moments phares du premier épisode de la saga ( seconde étoile noire). Les ewoks cristalliseront ces reproches , en prétextant que l'existence de ces personnages s'explique seulement par la volonté de vendre des jouets et des produits dérivés. Un reproche étrange étant donné les liens étroits entretenus entre la saga Star Wars et les produits dérivés dès son commencement. Mais surtout , Lucas a une toute autre explication pour la création de ses personnages.
Dans le climax final du Retour du Jedi qui se joue à différents lieux ( comme dans certains films de Kurosawa ) les Ewoks, petits être poilus adorables mais aussi belliqueux parviennent à mettre en échec les stormtroopers de l'empire avec des pièges et des armes rudimentaires.
Lucas expliquera plus tard que cette idée d'une telle victoire lui était venue lors de la guerre du Vietnam où une armée avec moins d'équipements militaires avait réussi à repousser des soldats mieux équipés certes, mais avec une méconnaissance des territoires où ils furent envoyés. Cette métaphore politique passera largement inaperçue aux yeux des spectateurs qui ne s'attendent pas à trouver un sous texte politique à l'intérieur d'une saga qui n'aura par le passé jamais utilisée la science-fiction pour son aspect métaphorique mais plutôt pour son côté spirituel et épique. Pourtant c'est bien cet aspect politique qui sera le fil rouge de la prélogie amorcée par Lucas au début des années 90.
Plutôt que de raconter la suite des aventures de Luke Skywalker, Lucas retourne en arrière et désire conter les origines du mal à travers la naissance de Dark Vador en tant qu'antagoniste ultime. Un prequel donc qui mettra notamment en scène une société où les jedis ne sont plus persécutés et pourchassés mais bien au pouvoir. Mais Lucas entend bien raconter plus que ça. Par un effet de miroir constant, Lucas entend créer un parallèle entre le passage d'Anakin Skywalker vers le côte obscur et le passage d'une république à une dictature comme pour lier la petite histoire à la grande.
Là où la trilogie originale nous montrait le parcours de Luke Skywalker vers la lumière, la prélogie narre ici la descente aux enfers de son père Anakin. Fini le voyage initiatique spirituel , Star Wars est désormais une tragédie grecque matinée de politique. Sur le papier l'intention de Lucas est louable et le fait de faire d'Anakin le pivot de l'effondrement de la République est pertinente. De même vouloir traiter le sujet de la transformation d'une république en dictature au sein de la saga de divertissement la plus importante du monde est plus que louable. Non, ici plus que les intentions de Lucas, ce sera bien son exécution qui sera remise en cause.
Le public réagit froidement aux manipulations politiques de l'empereur Palpatine et trouve son plan machiavélique parfois incohérent et peu clair, malgré des scènes fortes comme la proclamation des pleins pouvoirs du chancelier. Lucas commence à montrer ses limites en tant que scénariste. Seul auteur des trois scripts, il choisit un phrasé protocolaire et froid pour ses personnages qui semblera désincarné pour le public. On est loin des dialogues de L'empire contre-attaque. Malgré un Ewan McGregor impeccable, le casting souffre aussi de nombreuses critiques notamment Hayden Christensen. On reprochera ainsi le manque de personnalité de l'écriture de la romance entre Anakin et Padmé , censé être le cœur émotionnel du récit.
Un nouvel événement ?
L'anecdote est connue, en 1998 des spectateurs se précipitent dans les séances de Rencontre avec Joe Black, Couvre feu ou encore Waterboy et quittent la séance une fois le film commencé, la raison ? La bande-annonce de La menace fantôme est diffusé dans les salles et avant l'ère d'Internet c'est le seul moyen pour les fans de voir ces images. La notion d’événement présente lors de la sortie de la prélogie est encore bien présente, pour ce premier opus en tout cas. Même si, comme l'explique très bien Monsieur Bobine dans sa vidéo consacrée à l'année cinéma 1999 ,La menace fantôme ne sera pas le film le plus marquant de cette année qui sera marqué par le succès de films inattendus comme Sixième Sens de M.Night Shyamalan.
La décennie 2000 ne sera pas non celle de George Lucas, mais plutôt celle d'un réalisateur néo-zélandais et de son adaptation d'un pilier de l'heroic-fantasy. Peter Jackson avec le seigneur des anneaux emportera avec lui le cinéma de divertissement des années 2000. Véritable triomphe public mais aussi institutionnel avec pas moins de onze oscars récoltés pour le troisième opus de sa trilogie, Le seigneur des anneaux mêle grand spectacle et récits initiatiques avec brio et panache comme George Lucas a réussi à le faire plusieurs décennies plus tôt. Une décennie plus tard Jackson marchera à nouveau dans les pas de Lucas en revisitant aussi son univers à travers une prélogie qui, comme celle de Lucas aura un accueil mitigé auprès du public. On reprochera notamment un recours trop présent aux effets spéciaux numériques là où la trilogie précédente alternait entre numérique et effets spéciaux physiques, comme ce fut le cas pour Lucas lors de la sortie de sa prélogie.
Si cette notion d’événement sera malgré tout présente lors de la sortie du troisième épisode de la saga "La revanche des Sith" à l'époque dernier opus de la saga , elle finira par disparaître quelques années après le rachat de Star Wars par Disney ( la sortie du 7ème épisode reste un véritable événement ) à l'annonce des différents films en productions. Avec quasiment un film Star Wars par an , difficile de conserver l'aspect exceptionnel propre à la sortie d'un nouvel épisode de cette saga. Si Disney aura accentué cette banalisation de la licence en multipliant les annonces de films et de séries, elle avait déjà commencé quelques années plus tôt prouvant la mutation de Star Wars en tant qu’événement cinématographique en un univers modulable et déclinable à l'infini.
Un univers étendu
Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine
Tout le génie de Star Wars réside peut être dans cette simple phrase apparaissant avant la fanfare de John Williams. Grâce à cette phrase, Lucas s'affranchit de toute limite de temps et d'espace , il ouvre sa fiction à tous les possibles et permet à son spectateur d'entrer pleinement dans sa suspension consentie de l'incrédulité. Une phrase qui offre la promesse d'un univers aux possibilités infinies , un univers que Lucas ne sera pas le seul à explorer au fil des décennies.
Avant que Disney ne s'empare de l'univers Star Wars, Lucas avait déjà commencé à le décliner sur différents médiums, que ce soit par le jeu vidéo, les comics ou les séries télévisées, les déclinaisons sont aussi nombreuses qu'aléatoires en ce qui concerne la qualité des œuvres dérivées. Pourtant certaines de ses œuvres dérivées marqueront énormément les fans et constitueront pour certains leur portes d'entrée dans l'univers.
Que ce soit par le biais de la télévision et de la sublime série animée Clone Wars ( malheureusement difficile à trouver dans une édition digne de ce nom ) réalisé par le génie de l'animation Gendry Tartakovsky ou encore du jeu vidéo développé par Bioware ( Mass Effect ) Knight of the old Republic affectueusement renommé KOTOR par les fans. Que dire enfin des nombreux auteurs de comics qui se sont appropriés le mythe crée par Lucas dans de nombreux comics , approfondissant le background de certains personnages clé ou en s'intéressant à des périodes à peine évoquées dans les films de la saga, notamment la période de l'Ancienne République dont les fans attendent une adaptation au cinéma depuis des années.
Si l'on reproche à Disney d'épuiser le filon Star Wars à outrance en multipliant les productions, la firme a d'abord commencé par réduire ce nombre de productions en rendant toutes les publications de l'univers étendu caduques et définitivement en dehors de la continuité officielle qui est désormais constituée des six films et de la série The Clone Wars. Une décision brutale qui se justifie par le fait que certains comics avaient déjà commencé à raconter ce qui se passait après l'épisode 6. Si Lucas voyait aussi toutes ces oeuvres comme faisant partie d'une continuité autre, la pilule reste dur à avaler pour les fans qui se sont passionnés pour ces œuvres qui apparaissent désormais sous le label Legends, désormais plus proche d'une vision d'artiste de l'univers Star Wars. La production d’œuvres dérivés ne s'est pas tarie pour autant mais elle répond désormais à une continuité bien établie et contrôlée.
A l'intérieur de cette continuité, des auteurs vont ainsi essayer de s'approprier cet univers culte avec une nouvelle série de films initiée dès l'annonce du rachat de Star Wars par Disney.
Une nouvelle saga centrée autour de l'héritage
On aura dit tout et son contraire sur l'épisode 7 de la saga Star Wars. Réalisé par JJ Abrams et écrit par Lawrence Kasdan déjà scénariste sur la trilogie originale , Le réveil de la Force sort en salles en 2015 et doit affronter des fans suspicieux et une attente forcément démesurée. Pour rassurer les fans, l'accent est mis sur ce qui a fait le succès de la trilogie originale avec le retour de certains personnages iconiques, d'un ton plus léger loin du phrasé ampoulé de la prélogie et de ses intrigues politiques. Une nouvelle étoile noire fait son retour et tous les apparats chères au fan de la première heure sont soulignés , parfois avec insistance ( le jeu du Faucon Millenium ). On reprochera alors à ce septième opus, son recours au fan service et son manque d'originalité, pourtant pouvait-il en être autrement ?
Dire que JJ Abrams et son équipe étaient attendus au tournant est un euphémisme. Le rachat par Disney ayant été accueilli avec beaucoup de méfiance, tout comme le nom de JJ Abrams d'ailleurs. Si ce dernier aura réussi à rebooter avec brio la saga Star Trek il a aussi tendance à utiliser la nostalgie au cœur de ces films, en témoigne le certes très beau mais nostalgique Super 8. On voit ainsi JJ Abrams comme un producteur talentueux certes mais pas comme un réalisateur avec de véritables thématiques personnelles , pourtant au cœur de cet opus apparaît un vrai discours.
Ce septième opus est en effet traversé par la question de l'héritage, celui de George Lucas tout simplement. Cet héritage est incarné dans le film par le personnage de Kylo Ren, personnage constamment assommé par l'héritage de son grand père, peinant à trouver sa propre voix , oscillant entre rejet et déférence. Ce septième épisode , dépossedé de son créateur originel, est presque un film méta, en tout cas le premier film de la saga Star Wars qui parle de la saga Star Wars. Star Wars est une saga bien trop immense , bien trop culte pour se permettre de se l'approprier sans jamais évoquer cette notion d'héritage.
Vient alors l'épisode 8 , celui de tous les débats. Ecrit et réalisé par Rian Johnson qui joui ainsi d'une liberté rare sur une production de cette ampleur, le film chercher à s'affranchir de ses aînés mais aussi du film qui le précède, en désamorçant des moments attendus ( le jeter de sabre de Luke ) ou par la destruction de certains symboles ( le masque de Kylo Ren ) .Mais même en cherchant à éluder un héritage , on produit malgré tout du discours sur celui-ci.Johnson et Abrams répondent d'une manière différente à la même question : que faire de cet héritage ? Là où Abrams le chéri et reconnaît sa déférence, Johnson tente de casser le moule pour le dépasser et permettre à la saga de trouver sa propre voix.
Mais il serait trop facile de voir Rian Johnson comme un petit malin qui se serait amusé à casser les codes de Star Wars pour se démarquer sans se soucier du matériau original. Au contraire , il s'agit peut-être d'un des plus beaux épisodes de la saga, qui cherche sa filiation avec Lucas à travers les œuvres qui ont inspirés ce dernier. Le film s'ouvre sur une bataille aérienne qui rend hommage aux films d'aviations chères à Lucas, le climax final avec Snoke retrouve la grâce des films de Kurosawa, source d'inspiration principale lors de l'écriture de certains personnages d'Un nouvel espoir. De plus, la thématique centrale de l'épisode 8 réaffirme l'aspect universel et spirituel de la Force en expliquant qu'il n'est pas nécessaire d'avoir du sang de Skywalker dans les veines pour en ressentir le pouvoir. Un propos magnifié par un plan final sublime qui, s'il rappelle le plan de Luke face aux deux soleils de Tatooine , en réaffirme aussi toute la promesse, celle d'un futur meilleur, remplis d'aventures et de territoires à explorer. En coupant le cordon avec la famille Skywalker , Johnson coupe les ponts avec l'héritage de Lucas et tente d'ouvrir une autre voix. En espérant qu'il puisse le faire à travers la trilogie qu'il est censé écrire et réaliser dans les années à venir.
Un nouvel espoir
On essaiera ici de ne pas multiplier les conjectures concernant l'épisode 9 réalisé par JJ Abrams , beaucoup se sont déjà attelé à cette tâche.Néanmoins il est difficile d'ignorer certains éléments qui participe de la note d'intention de ce film qui a l'ambition de conclure une saga de 9 films. Plus que la conclusion d'une nouvelle trilogie censée emmener la saga sur de nouveaux territoires , on a plus de chances d'avoir droit à un film somme , condensé de tout ce qui a été dit et vu dans la saga. Même s'il ne s'agit que de suppositions, le fait de placer le nom Skywalker dans le titre et de ramener l'empereur à la vie participe de cette volonté de relier ce film aux huit autres de la saga. Quel est l’intérêt de cette nouvelle saga me direz-vous si elle ne fait que parler que des films précédents ?
Les plus pessimistes pourraient y voir un ajout inutile et vide de sens, seulement motivé par l'exploitation de la licence pop parmi les plus célèbres du monde, d'autre comme moi y voit une phase de transition passionnante à défaut d'être innovante, l'occasion d'en finir une bonne fois pour toute avec l'arc des Skywalker , de boucler la boucle avec aux commandes des réalisateurs qui ont découvert Star Wars dans leur enfance et qui pour certains , sont devenus réalisateurs grâce à ce film. Pour ensuite laisser les clés de cet univers à des auteurs talentueux et qui disposeront d'une marge de manœuvre de plus en plus large et d'un fardeau de moins en moins lourd à porter. Star Wars est une licence, rien de mal à ça, tout dépend ce que l'on en fait. Comme preuve récente, citons-le très réussi Rogue One réalisé par Gareth Edwards , film basé sur une idée de scénario de John Knoll , superviseur des effets spéciaux chez ILM , qui a lui aussi grandi avec ces films et qui désormais propose sa vision de cet univers.
C'est sûrement ici que ce situe la définition la plus actuelle de ce qu'est Star Wars, d'abord trilogie révolutionnaire portée par un auteur , elle a ensuite mutée vers un univers où les possibilités sont sans égales.Un univers qui n'appartient plus à George Lucas depuis longtemps et qui sera, quoi que l'on fasse , adapté et transposé à l'infini par de nombreux auteurs. Ce qui nous amène à ce constat : on ne verra jamais la fin de Star Wars.
Que reste t-il de Star Wars ? Pour répondre avec un point de vue plus personnel, la beauté de cet univers aux interprétations et aux mutations multiples réside dans un plan. Celui de Luke face aux soleils de Tatooine, emporté par la musique de John Williams, le regard au loin, le souffle aventureux propre au cinéma de David Lean et des origines, la promesse d'une aventure hors normes qui nous emmènera aux confins de l'univers dans une galaxie lointaine, très lointaine.
Pour aller plus loin :
Une vidéo de Bits sur les jeux vidéos Star Wars;
La vidéo de Monsieur Bobine sur l'année cinéma 1999.
Un article du Monde sur l'univers étendu de Star Wars après le rachat par Disney.
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