Chaque image provenant d'un film Star Wars à venir suscite toujours autant d'excitation et de discussions. La récente saga initiée depuis le rachat de Disney aura ( malgré le succès en salles ) divisé les fans. Alors que certains reprochent à cette saga son manque d'audace et son recours au fan-service, d'autres ont rejeté en bloc les choix audacieux de l'opus réalisé par Rian Johnson ( The last jedi ) . D'autres enfin ont rejeté cette trilogie récente dès le rachat de Lucasfilm par Disney, prétextant que sans George Lucas aux manettes, ce n'était plus vraiment Star Wars. Pour certains, ce rejet est arrivé beaucoup plus tôt dès l'annonce de la prélogie, voir même pour certains dès l'épisode six de la saga. L'esprit de la saga Star Wars semble prendre plusieurs formes selon le public et selon les générations, un esprit qui semble en perdition maintenant que cet univers si large est entre les mains de Disney. Toutes ces critiques et ces craintes nous font se demander ce qui constitue réellement le cœur de la saga Star Wars, son essence, a quoi devraient se raccrocher les films à venir pour rester fidèle à l'esprit de ce qu'a imaginé George Lucas. Autrement dit, avant de considérer qu' un nouveau film Star Wars n'en est pas vraiment un, demandons-nous simplement : c'est quoi Star Wars ?
Un réalisateur indépendant
En 2007, Steven Spielberg , Francis Ford Coppola et George Lucas sont réunis pour décerner l'oscar du meilleur réalisateur à Martin Scorcese. Rien de très étonnant lorsque l'on sait qu'il s'agit peut-être du quatuor le plus influent de ce qu'on appelle "Le nouvel Hollywood'' une période charnière de l'histoire du cinéma américain où l'on verra les films indépendants préférés par le public et les studios face aux grosses productions habituelles. Des films souvent violents et critique envers le gouvernement américain et même la société américaine en général, avec souvent comme toile de fond la guerre du Vietnam et ses conséquences. Difficile alors dans l'inconscient collectif d'associer les noms de Steven Spielberg et de George Lucas à ce type de productions.Si on les considère désormais comme les rois du blockbuster estival ( Peter Biskind dans son ouvrage sur le Nouvel Hollywood avance même l'idée que Spierlberg et Lucas auraient tué le Nouvel Hollywood avec les succès de Jaws et de Star Wars ) Spierlberg et Lucas ont commencé au sein d'un courant furieusement indépendant et subversif. Si Spielberg sera très vite dépassé par l'aspect sexuel ou violent des films de ses confrères ( De Palma et Scorcese ) Lucas lui embrassera cette voie expérimentale avec passion et réalisera THX 1138, film de science fiction austère , froid et cérébral. Néanmoins Lucas se démarquera de ses comparses par son rapport au passé et à la nostalgie, mais toujours avec cette volonté d'indépendance et son refus d'être à la solde des grands studios. Son rapport à la nostalgie s'illustre à travers son second film American Graffiti qui met en scène les aventures et errements d'une bande de lycéens dans les années 50. Contrairement à THX 1138, American Graffiti est un véritable succès public, qui apprécie l'aspect nostalgique du film mais aussi sa noirceur et son regard mélancolique sur cette jeunesse désabusée.
Voulant d'abord adapter le personnage de Flash Gordon, dont les droits étaient à l'époque détenu par le réalisateur Alain Resnais, Lucas décide alors de créer son propre univers de space-opera , après des mois d'écriture, il propose le projet à la FOX, mais pour garder son indépendance il produira le film par lui même grâce à sa société de production : Lucasfilms crée quelques années plus tôt. Le studio de la Fox n'assurera que la fonction de distributeur. Lucas cédera même son cachet en échange des droits sur les produits dérivés de son univers, comme tout bon fils de marchands de jouets. Le film aura le succès qu'on lui connaît et assurera durant des décennies la prospérité de Lucasfilms mais surtout son indépendance totale. Si Star Wars semblait donner l'image d'un empire commercial prospère et tentaculaire ( même avant son rachat par Disney ) , cet empire culturel est à la base lié au succès d'un film indépendant produit par une société de production indépendante et sans aucune interférence d'un gros studio Hollywoodien. Une véritable exception dans l'histoire du cinéma de divertissement qui permettra à George Lucas d'avoir un contrôle total de son univers, notamment lors de l'élaboration de la prélogie, pour une réussite certes inégale mais portée par la vision d'un auteur sans limite mais aussi par la même sans concession.
The good old days
Spielberg et Lucas ne s'en sont jamais cachés, leurs collaborations sont toutes empreintes de nostalgie. Une nostalgie tournée vers les années 50 et leurs enfances à regarder en boucle à la télévision des serials des films à épisodes relevant souvent du western, du policier ou bien évidemment de la science-fiction. Ce format hybride entre la série B et la série télévisée était diffusé en première partie d'un film à raison d'un épisode par jour. Pour fidéliser le public, chaque "épisode" devait se terminer par un cliffhanger marquant. La manière dont George Lucas réutilisera ces codes dans Star Wars permettra à tout un pan de ce cinéma bis diront nous , de renaître et d'apparaître au grand public.
De par son générique d'introduction où un long texte défile le long de l'écran ( idée soufflée par Brian de Palma lors d'une projection test, ce dernier trouvant le film incompréhensible), Star Wars nous donne le sentiment de prendre en vol un épisode de serial en milieu de semaine. Cette instantanéité du récit dans Star Wars et son dynamisme sont caractéristiques des serials d'autrefois. Même chose pour les transitions entre chaque séquence qui sont elles aussi héritée des serials d'antan.
Alors que l'on reproche à de nombreuses productions actuels de regarder trop vers le passé et de titiller la fibre nostalgique du public seulement pour un but mercantile, justement en reprenant une imagerie et des figures créés par Spielberg et Lucas par le passé, ces derniers ont aussi créé des œuvres nostalgiques. Mais des œuvres nostalgiques empruntes de modernité qui ont su dépasser le statut du film hommage grâce à un sens de la mise en scène prodigieux pour la saga Indiana Jones ou grâce à des prouesses techniques en termes d'effets spéciaux pour Star Wars ainsi qu'une véritable profondeur mythologique.
Une prouesse technique
Il y a des films qui font révolution, King Kong en 1933, Jurassik Park soixante ans plus tard, certains films ont marqué l'histoire des effets spéciaux au cinéma, condamnant souvent le reste du monde à se mettre au niveau de ces œuvres devenues de nouveaux standards. Star wars premier du nom fait parti de ses œuvres.Il y a eu un avant et un après Star Wars dans la manière de représenter l'espace ou plus précisément l'action dans l'espace. Si en 1968 Kubrick avait déjà montré avec 2001 l'odyssée de l'espace que l'on pouvait filmer l'espace sans paraître cheap et même avec beaucoup de grâce, l'espace de Kubrick est froid,vide et silencieux là où celui de Lucas est bruyant,coloré et grouille de vie.Une approche tournée vers le spectaculaire plutôt que la contemplation.
Jamais des combats spatiaux ont été montrés avec autant de dynamisme et de crédibilité ( dans le monde présenté par Lucas ). Passionné de films d'aviation et de combats aériens, Lucas a monté des images d'avions en combat pour montrer à son équipe le résultat qu'il veut obtenir.John Dykstra et toute son équipe vont alors rivaliser d'ingéniosité et de maîtrise pour réaliser ses souhaits. Les maquettes sont ainsi filmées devant un fond bleu et c'est une caméra créée pour l'occasion qui donne cette impression de mouvement.C'est grâce à une incrustation millimétrée que le fond bleu se transforme en un sublime ciel étoilé.
Mais surtout Star Wars c'est aussi la naissance d'une compagnie d'effets spéciaux désormais mythique : ILM ( Industrial Light and Magic). A l'origine Lucas voulait confier la réalisation des effets spéciaux à Douglas Trumbull qui a déjà officié sur 2001 l'odyssée de l'espace, la référence de l'époque en ce qui concerne la représentation de l'espace au cinéma. Ce dernier décline mais conseille à Lucas d'embaucher son assistant John Dykstra. Toujours par souci d'indépendance Lucas décide, en plus de son studio Lucasfilm de créer sa propre compagnie d'effets spéciaux : ILM. Cette compagnie réalisera durant les décennies suivantes les effets spéciaux de plus de 300 films et sera vue comme une véritable référence dans ce domaine.Le Skywalker Ranch appartenant aussi à George Lucas est aussi encore aujourd'hui un studio de mixage sonore de référence, utilisé récemment par le réalisateur Antonin Baudry pour son film Le chant du loup. Des années plus tard Peter Jackson lui aussi aux commandes d'une saga mythique en profitera aussi pour mettre en valeur le travail d'une compagnie d'effets spéciaux locale ( Weta digitals) et inconnue jusqu'alors et qui deviendra aussi une référence dans le milieu.
Le voyage du héros
Que serait Star Wars sans son encrage mythologique ? Un space opéra techniquement époustouflant mais dont le cœur de l'histoire serait vide ? C'est en tout cas l'impression que donne les premières versions du script écrit par George Lucas, l'une de ses versions a d'ailleurs été édite sous la forme d'un comics pour les plus curieux. Et sans paraître vide, l'intrigue est confuse, inutilement chargée de personnages et de thématiques non développées, certaines idées seront d'ailleurs reprises dans la prélogie. Impossible de rentrer dans l'univers crée par Lucas avec autant d'informations, Lucas a besoin de clarté et pour cela il va faire appel à un concept théorisé par Joseph Campbell : le voyage du héros.
Mythologue américain , Joseph Campbell a étudié les récits ancestraux de nombreuses civilisations au fil des siècles et en a recensé les similitudes et les paternes. De ces similitudes sont ressortis 12 étapes faisant partie du voyage du héros qu'il décrit dans son ouvrage "Le héros aux mille visages, Campbell parle alors de monomythe. Ces étapes communes à tous ces récits donneront au scénario de Lucas un aspect familier, comme une ré-actualisation des mythes fondateurs occidentaux. Lucas applique scrupuleusement les préceptes de Campbell et ajoute à son récit les 12 étapes du voyage du héros à travers le personnage de Luke.
Cet aspect mythologique sera la grande force de Star Wars, ici Lucas n'utilise pas l'aspect métaphorique de la science-fiction, sa trilogie originale n'a jamais eu l'ambition d'aborder des thématiques sociétales, Star Wars n'est pas un miroir déformé de notre société comme la série Star Trek a pu l'être dans le passé , la preuve que le space opera peut être politique. De la science fiction, Lucas ne retient que les apparats , l'esthétique , le reste appartient au passé et tient plus du western ou du cinéma de Kurosawa que de la SF pure.Une nouvelle fois Lucas fait du neuf avec du très vieux, en réactualisant des récits ancestraux de la société occidentale. Le code d'honneur des Sith étant très semblable au code de la chevalerie présent dans les mythes arthuriens.
Star Wars se démarque aussi par son approche spirituelle de la science-fiction, notamment à travers le concept de ''force'' , énergie mystique indicible présente partout dans l'univers Star Wars. A travers certains personnages comme Yoda qui incarne la sagesse, ou au code d'honneur des Jedi qui interrogent les notions de bien et de mal. Lucas dans sa trilogie originale embrassera pleinement cet aspect mythologique et mystique, laissant peu de place au pragmatisme ou a une approche scientifique ou politique ( malgré une tentative durant l'épisode VI mais on y reviendra ) de son univers. Ce ne sera pas toujours le cas ...
L'apogée de la pop-culture
Avant les années 70 et même pendant, ce qu'on appelle pop-culture se limite aux comics et à la littérature pulp, elle n'est pas encore un spectacle familial pouvant toucher toutes les générations. Les films de série B sont comme leurs noms l'indiquent ; un cinéma de seconde zone, avec un public certes mais sans réel engouement populaire. En 1975 , Jaws réalisé par Steven Spielberg viendra rebattre les cartes et changer la donne. C'est la naissance du blockbuster estival, produit avec un budget raisonnable malheureusement dépassé en cours de tournage , Jaws se verra surtout affublé d'une campagne promotionnelle massive , une véritable première qui assurera un succès colossal au film de Spielberg. Mais plus encore que sa sortie estivale , ce qui en fait un véritable blockbuster c'est l'idée de traiter un sujet de série B ( un requin tueur terrorise les habitants d'une île) avec les moyens et l'ambition d'un film de série A.
Commentaires