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Photo du rédacteurPeter Parkour

Avengers Infinity War ou comment réussir un film choral en 8 leçons

Dernière mise à jour : 9 sept. 2019

Nous sommes en 2015, la suite d'un des plus grand succès de tous les temps est en salle : Avengers l'ère d'Ultron. Sans être un ratage total, la critique est majoritairement unanime pour dire que le film est trop généreux, trop brouillon et qu'il n'arrive pas à gérer ses personnages et ses enjeux. Le succès public est bien là mais la formule Marvel a pris un sacré coup dans l'aile. En effet le projet de cet univers porté au cinéma c'est justement de croiser ses personnages et de pouvoir les rassembler, comment le faire alors si dès le deuxième opus c'est déjà la surdose ? Dès lors les attentes pour le prochain Avengers sont accompagnées de craintes quand à la surenchère de personnages, d'autant que les Gardiens de la Galaxie viennent garnir les rangs. Mais contre toute attente , Infinity War est une vraie réussite, essayons de voir pourquoi .


Des bases solides


A première vue Infinity War semblait être un film impossible à écrire, trop de personnages à gérer, d'intrigues à conclure, d'enjeux à porter. Dans un coin de ma tête je souhaitait bon courage aux scénaristes pour gérer ce joyeux foutoir. Seulement après réflexion, Infinity War dispose de sérieux avantages. Premièrement il a finalement très peu de choses à installer, les personnages et leurs parcours  sont connus et leurs intrigues déjà pour certains à des points culminants ( Thor ). Ce qui permet au film de commencer in medias res. Le vrai défi du film résidera finalement plus dans l'interaction que dans la présentation.


Une formule bien appliquée


La raison d'être de cet article n'est pas la sortie du teaser du prochain Avengers non non, mais bien un découverte survenue durant la lecture du célèbre ouvrage d'écriture de scénario : L'anatomie du scénario écrit par  John Truby. Dans ce livre, très reconnu parmi les scénaristes d'Hollywood , il explique qu'écrire un film choral est un vrai défi, il parle alors de récit à héros multiples. Le principal écueil qu'il met en lumière est le manque de rythme de ces récits et pour y remédier il propose 8 techniques pour dynamiser ce type de récit. Surprise le quatrième plus gros succès mondial de tous les tes temps a appliqué ces techniques à la lettre.



1. Se concentrer davantage sur un personnage au fil de l'histoire de sorte qu'il apparaisse comme plus central que les autres.


L'avantage principal d'avoir déjà présenté ses héros  au public c'est que l'on peut se permettre de faire de l'antagoniste du film  le personnage principal, à savoir Thanos. Il est celui qui lance l'intrigue, celui qui crée la menace qui rassemble tous les personnages. C'est avec lui que le film s'ouvre et se clôt, et ses différentes scènes avec Gamora ainsi que son flashback font bien de lui le personnage central du film.


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2 . Attribuer à tous les personnages la même ligne de désir


Il est souvent précisé dans les ouvrages d'écriture de scénario que pour avoir un antagoniste de qualité, il faut qu'il poursuive le même but ou désir que le protagoniste. Ici ce qui est en jeu c'est la vision du monde des personnages, Thanos veut appliquer la sienne et les Avengers veulent l'en empêcher. Si la ligne de désir des Avengers est la même pour tous les personnages, on pourrait pousser plus loin en disant que Thanos possède la même ligne de désir aussi, sa volonté d'un monde apaisé différant seulement par le moyen d'y parvenir.


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3. Faire du héros de l'une des lignes narratives l'adversaire d'une autre ligne narrative.


Thanos, en plus d'être le personnage principal du film est aussi le point de convergence de tous les autres personnages du film. Chaque camp a ainsi son compte à régler avec Thanos, que ce soit pour des raisons familiales ( Gamora et Nebula ) ou bien des raisons disons obsessionnelles ( Tony Stark ) , de vengeance ( Thor ) ou bien des raisons de survie ou de protection ( Vision/Captain America ) .


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4. Relier les personnages entre eux en en faisant différents exemples d'un même sujet ou d'un même thème.


C'est peut être ici la plus grande force du film , à travers tout ses personnages et ses intrigues , réussir à les lier autour d'un même thème : le sacrifice. Car tous les personnages sont traversés par cette problématique,  que ce soit Gamora qui demande à Star Lord de la tuer si Thanos la retrouve, Vision qui demande à Scarlet Witch de faire la même chose car il porte en lui une des pierres d'infinité. La scène au Wakanda où les Avengers discutent de la possibilité de sacrifier Vision pour détruire la pierre illustre ce thème et cette question : que peut-on sacrifier pour sauver des millions de vie ? Et que de dire de Thanos ? Voilà un antagoniste qui a tout sacrifié pour accéder à son but ultime mais qui restera hanté par le sacrifice de sa fille.


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5. Utiliser le suspense à la fin d'une ligne narrative pour basculer sur une autre ligne.


Voilà une technique directement tirée des séries télévisées, notamment Game of Thrones. L'idée c'est de pousser une ligne narrative à son paroxysme ( un personnage est sur le point de mourir , un objectif très important est sur le point d'être accompli ou au contraire hautement compromis ) et  de couper à ce moment précis pour basculer sur une autre ligne narrative que l'on va à son tour pousser à son paroxysme. Le but est de ne pas laisser le spectateur respirer et de lui donner le plus tard possible le sentiment de satisfaction qu'il ressent lorsqu'une intrigue se clôt. C'est notamment le cas avec la ligne narrative de Thor qui se coupe juste avant qu'il récupère son marteau, il reviendra au moment où les Avengers sont en train de perdre du terrain lors de la bataille du Wakanda. D'ailleurs Infinity War n'est pas le premier film de super-héros à utiliser ce genre de technique narrative héritée de la série télé, The Dark Knight se rapproche lui aussi d'une série télé de par la multiplicité de ses personnages et de ses enjeux.


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6. Faire converger des personnages éloignés dans l'espace vers un seul et même lieu.


On l'aura compris, l'un des principaux intérêts du film était de pouvoir rassembler tous les personnages apparus précédemment dans l'univers Marvel. Que ce soit lors de la bataille finale au Wakanda ou même le rassemblement entre Tony Stark, Doctor Strange Spiderman et les Gardiens de la galaxie difficile de faire plus éloigné en termes de personnages. Et pourtant l'intrigue les rassemble au sein d'un même lieu.


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7. Réduire le temps. L'histoire peut par exemple se dérouler au cours d'une journée ou d'une nuit.


Ici c'est une donnée qui peut s'appliquer à de nombreux blockbusters , dont l'intrigue en règle générale s'écoule sur peu de temps ( sauf pour la saga Harry Potter mais on y reviendra )  mais c'est aussi le cas pour ce film et cela rajoute à l'urgence des enjeux et à leur importance.


8. Faire en sorte que les personnages se rencontrent occasionnellement par coïncidence.



C'est une chose de donner des buts communs à ses personnages pour faciliter leurs interactions, mais il n'est pas interdit de rajouter de l'aléatoire dans un récit pour faire avancer l'intrigue mais aussi pour le rendre plus vivant. Dans ce cas précis il s'agît de la rencontre entre les Gardiens de la Galaxie et Thor qui résulte du pur hasard ( bah oui c'est grand la galaxie quand même ) mais cela rajoute au caractère impromptu de cette rencontre et de ses personnages.


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Le but de cet article n'est pas de démontrer que ce film repose simplement sur des mécanique de récit calibrée, mais seulement de mettre en lumière ces mécaniques et de "démonter la machine" pour voir pourquoi elle fonctionne aussi bien. Car ces techniques ne suffisent pas à construire un film, ou simplement une bonne histoire. Chaque technique/outil/conseil d'écriture fonctionne à partir du moment où elle incarnée. Infinity War n'est pas un film feignant et simplement  en pilotage automatique, il fonctionne grâce à l'attachement que l'on porte à ses personnages et à la qualité d'écriture de  leurs interactions ( ça aussi on y reviendra) . Le livre de John Truby comme celui de Christopher Vogler est passé entre les mains de beaucoup de scénaristes, mais si il suffisait d'appliquer ces conseils, nous aurions un chef d'oeuvre par semaine dans les salles. Ce n'est pas le cas. Alors bravo à Christopher Markus et à Stephen Mcfeely pour être passé brillamment de la théorie à la pratique. 

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