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  • Photo du rédacteurPeter Parkour

Us : l'enfer c'est l'autre

Dernière mise à jour : 9 juil. 2019

Jordan Peele avait surpris tout le monde en 2017 avec Get Out, succès public et critique auréolé de l'oscar du meilleur scénario. Là où Get Out brouillait les pistes entre horreur et comédie sociale, Us s'assume comme un véritable film d'horreur et un pur film fantastique. Retour réussi pour le nouveau maître de l'horreur ?


Avec spoilers !

Cette fois-ci Jordan Peele a préféré dire les choses clairement, d'un simple tweet il annonce le genre de son dernier film : ''Us is an horror movie". Le doute n'est plus permis, mais même sans ce tweet , la simple vision de son dernier film aurait suffi à le définir. Même si de rares moments de légèreté parcourent le film, ce dernier baigne tout le temps dans une ambiance étrange et peu rassurante. L'étrangeté et le fantastique s'expriment ici comme dans les nouvelles d'Edgar Allan Poe et dans les épisodes de la Quatrième Dimension ( série rebooté par Jordan Peele justement ) , il s'immisce progressivement dans le quotidien.

A l'inverse de Get Out où le personnage principal quittait son monde ordinaire confortable et rassurant pour un nouveau monde inquiétant , ici c'est le fantastique qui vient à petites touches modifier le quotidien de cette famille en vacances en bord de mer. Un lieu à première vue rassurant  et dépaysant, sauf pour le personnage principal, Adelaide qui lors d'une fête foraine a vécue une expérience traumatisante en étant confrontée à son double, son doppelganger . Un trauma montré dans la scène d'ouverture, véritable délice de mise en scène, d'ambiance et de cadrage. Une scène d'autant plus traumatisante que certains plans sont filmés à hauteur d'enfant , notamment ceux où Adelaide et ses parents déambulent dans la fête foraine.

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La première partie du film verra Adelaide s'inquiéter des nombreuses coïncidences et symboles lui rappelant son traumatisme d'enfance. Une occasion pour Jordan Peele de placer de nombreux détails à l'image illustrant la thématique du double, des détails qu'une seule vision ne suffit sûrement pas à percevoir. Le fait que le traumatisme d'Adelaide se soit déroulé lors d'une fête foraine à côté d'une plage permet de rendre le décor d'une plage en plein été inquiétant . Là où la plupart des films d'horreurs privilégient l'angoisse dans un espace clos et peu éclairé, Peele réussi l'exploit de rendre inquiétant un lieu ouvert, ensoleillé et absolument pas isolé. Une prouesse réussie plus tôt dans l'histoire du cinéma par Steven Spielberg dans Jaws mais avec un requin en prime. Ici c'est bien ce qui est familier qui est menaçant , tout comme le double d'Adelaide.

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Vient ensuite le moment de la confrontation où le  film prend des airs d'home invasion ( genre de film où une menace extérieure tente de pénétrer dans un lieu clos et menace ses occupants ) le temps d'une séquence menée de main de maître par Jordan Peele qui joue brillamment avec la lumière et la rapidité et la gestuelle étrange de ses doubles. S'en suivra une véritable course poursuite entre la famille et leurs doubles jusqu'à un premier arrêt chez leurs voisins , un moment décisif du film où l'on apprend que la menace est globale et s'étend sur tout le pays.

Une menace globale qui transforme ce ''petit'' film d'horreur au concept malin en film apocalyptique que n'aurait pas renié John Carpenter dans sa trilogie de l'apocalypse. Carpenter ayant déjà travaillé la thématique du double et de la copie dans The Thing. Même si l'ambiance apocalyptique du final évoque plutôt un autre film de Carpenter, ''L'antre de la folie''( un des décors du film y fait même explicitement référence )  un film déjà hanté par les visions d'horreur de Lovecraft. Et c'est sûrement l'aspect le plus séduisant de ce film. Peele assume totalement le fantastique de son film et se place dans la continuité de l'histoire du fantastique dans la littérature et dans le cinéma.

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La force de Peele réside aussi dans l'originalité des concepts portés par ses films. Des concepts novateurs ( Get Out ) où qui retravaillent des thèmes connus du de la pop-culture sous un angle nouveau ( Us ). Des concepts qui à première vue peuvent sembler farfelue mais qui grâce au talent de scénariste de Peele ne semblent jamais sortir de nulle part et ne mettent donc jamais en péril ce que l'on appelle la suspension consentie de l'incrédulité du spectateur. L'exemple le plus parlant est dans Get Out où l'on ne remet jamais en question le fait qu'une famille ai trouvé le moyen de placer l'âme d'un corps dans un autre. Le génie de Peele se manifeste par sa capacité à trouver des concepts horrifiques et fantastiques innovants et surtout par sa capacité à les maîtriser.

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Même si pour Us cette maîtrise a parfois ses limites, en effet la portée sociale du film est moins évidente que pour Get Out et l'explication du mystère est peut-être trop rapide sur certains points. De même si Get Out ne comportait aucun temps mort, Us en souffre parfois. Comme souvent le second film d'un auteur consacré et réalisé peu de temps après le succès du premier est certes plus ambitieux mais aussi moins maîtrisé par moments.  Us mériterait sûrement plusieurs visionnages pour apprécier tous ses détails et toute la portée symbolique du thème du double.


Il faudrait être de mauvaise foi pour bouder son plaisir devant le dernier film de Jordan Peele qui si il manque parfois de maîtrise, propose toujours une vision de l'horreur innovante et mémorable . Une proposition plus que réjouissante dans  le paysage horrifique actuel où les auteurs proposant une vision personnelle de l'horreur tout en touchant le grand public sont rares. Mention spéciale à la performance habitée de Lupita Nyong'o qui alterne avec brio entre deux rôles , tour à tour inquiétante et rassurante. En seulement deux films Jordan Peele a déjà affirmé son style tout en touchant à la fois le grand public et la critique. Si les comparaisons de la presse sont flatteuses, Peele n'est pas Hitchcock ni Spielberg, Jordan Peele est Jordan Peele et c'est déjà énorme. 

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