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Photo du rédacteurPeter Parkour

The last of us et Les fils de l'homme où comment regarder le monde ?

Dernière mise à jour : 29 nov. 2019

Le genre du post-apo est un des plus florissants de ces dernières décennies. D'abord résurgence de la guerre froide et du conflit nucléaire, il aura muté à travers les décennies pour symboliser les peurs de chaque époque. Au fur et à mesure que les années défilent, un parfum de fin du monde imminente imprègne chaque génération un peu plus profondément, influençant évidemment les œuvres culturelles de notre temps. En 2005 puis en 2009 , deux œuvres post-apocalyptiques ont brillamment changé la donne et nous ont invitées à regarder notre monde à travers leurs yeux.



Représenter un monde


Juste après avoir réalisé un des plus beaux épisode de la saga Harry Potter, Cuaron s'attelle à l'adaptation d'un roman de l'autrice PD -James : Les fils de l'homme. Les ambitions de Cuaron sont claires concernant cette adaptation, il veut créer un anti-Blade Runner. Plutôt que d'imaginer un futur proche, il imagine un présent qui aurait cessé de croître et de se développer. Plus qu'un film post-apocalyptique, nous sommes ici plutôt en présence d'un film pré-apocalyptique où la fin du monde n'a pas encore tout bouleversée mais arrive lentement , au rythme d'une vie d'homme. On passera ainsi ici plus de temps à reconnaître le présent qu'à imaginer le futur.






Quatre ans plus tard, le studio Naughty Dog sort son exclusivité PS3 :The last of us crée par Neil Druckmann et Bruce Straley. Le jeu deviendra un classique immédiat et se distinguera par un accueil critique et public dithyrambique sur la qualité du jeu. Un accueil plus que mérité pour un jeu qui aura su digérer toutes ses influences post-apocalyptiques qui vont de Walking Dead à Je suis une légende, tout en passant évidemment par les Fils de l'homme. Tout ceci en prenant à chaque fois le meilleur de chaque oeuvre pour l'intégrer à un jeu immédiatement cohérent et unique. The last of us réussi surtout l'exploit de se démarquer à l'intérieur d'un genre alors en plein essor depuis le révolutionnaire 28 jours plus tard de Danny Boyle : le film d'infectés et ça grâce à un traitement émotionnel du récit plus que brillant.


L'influence des Fils de l'homme dans le scénario de The last of us n'est plus à prouver. Le groupe de résistants activistes dans Les fils de l'homme, à savoir les poissons , ont été remplacés par les lucioles dans The last of us. Ces deux groupes s'opposent à un gouvernement oppressif et fascisant et veulent tout deux utiliser Kee et Elie à des fins politiques, à savoir les leurs. Ces deux œuvres se partagent aussi le même type d'anti-héros et le même genre de récit : le road-movie bien souvent propice au voyage initiatique.



Le voyage du anti-héros


Theo et Joel ont des trajectoires et des traits de caractères similaires, et ce jusqu'au bout de leur parcours. Tout deux incarnent un archétype , celui du anti-héros désintéressé et désabusé, ne s'intéressant qu'à ce qui est profitable pour eux, sans but commun ni espoir d'un monde meilleur. Joey survit en s'adonnant au trafic sur le marché noir tandis que Theo survit aussi grâce à un inintéressant travail de bureau. Ce renoncement s'explique par une tragédie vécue par les deux personnages : la perte d'un enfant. Face à cette tragédie Joel était seul contrairement à Théo qui était encore marié au moment du drame, Julian son ex-femme s'est elle engagée encore plus après ce drame, alors que Théo a pris le chemin opposé.




Bien souvent dans les récits, il existe une phase où le héros refuse l'aventure, considérant qu'il n'est pas de taille ou bien que ça ne le concerne pas. Durant la première heure du film, le chaos qui est devenu le monde dans lequel Théo vit ne cesse de l'interpeller, de par les lamentations des migrants que Théo voit chaque matin et soir ou bien par les cailloux jetés sur son bus, même une explosion perturbe à peine son déjeuner. Théo décline et même plus, ignore ces appels à l'aventure. Il accepte la proposition de Julian pour des raisons essentiellement pécuniaires ( une scène coupée du film nous précise qu'il a plusieurs loyers de retard ) mais aussi par loyauté envers Julian.














Pour Joel , le déroulé est similaire, il accepte de s'occuper d'Elie pour des raisons pécuniaires ( récupérer ses armes ) sans jamais adhérer ou s'impliquer pour le but commun mené par les Lucioles. A la différence de Théo, Joel possède tout de même des prédispositions pour l'aventure qui va venir à lui, vivant depuis 20 ans dans un monde sauvage, il sait se défendre et se révélera être un protecteur hors-pair pour Elie. C'est tout l'inverse pour Théo, durant toute la seconde partie du film , il sera constamment maltraité , le film le plaçant sans cesse en situation d'inconfort ( il passe une bonne partie du film en tong notamment ) . Alors que le début du film cherchait à l'interpeller vers le monde qui l'entoure, la seconde teste son engagement en maltraitant constamment son personnage principal.





L'engagement et l'acceptation de l'aventure par Théo et Joel arriveront à des moments clés, marqué par le décès de Tess pour Joel et de Julian pour Théo. Si Tess ne fait pas partie des Lucioles mais elle fut touchée par le fait qu'Elie puisse être un espoir pour l'humanité et a saisie immédiatement l'importance de leur mission alors que Joel en mesurera l'importance au fil de son aventure. La mort de Julian place Théo dans un état de détresse absolue dans une scène déchirante où il s'écarte du groupe et tente de reprendre ses habitudes en allumant une cigarette pour laisser finalement place à sa peine. Il ne peux désormais plus reprendre sa vie d'avant ,il quitte ainsi son "monde ordinaire" théorisé par Vogler dans son guide du scénariste.










Regarder le monde


Théo et Joel se sont désintéressés du monde, que ce soit de sa beauté cachée ou de son horreur. C'est notamment pour ça que la caméra de Cuaron dans le premier tiers du film abandonne à plusieurs reprises son personnage et se tourne vers la misère du monde qui l'entoure. La caméra apparaît alors comme évasive et indépendante, elle ose regarder l'horreur en pleine face. Dans The last of us c'est Elie qui assure ce rôle, point de scénario intéressant, elle est née après le cataclysme qui a ravagé le monde de Joel. Elle n'éprouve donc aucune nostalgie pour une époque qu'elle n'as pas connue, c'est ce qui la rend curieuse sur le monde qui l'entoure. Cet attrait culmine lors d'une scène où une girafe apparaît en plein cœur d'un centre-ville, il ne s'agît pas ici d'un vestige d'une civilisation disparue mais bien une seconde vie offerte par l'apocalypse pour cet animal sûrement enfermé avant le drame. C'est cette capacité à regarder le monde tel qu'il est que vont acquérir Théo et Joel au fil de leur aventure. Dans les films de l'homme et dans The last of us , regarder le monde c'est aussi accepter la souffrance que ce dernier peut nous infliger.





L'humanité retrouvée de Théo et Joel vont les amener à faire des choix, des choix parfois cornéliens. L'ironie des deux scripts est de confier à des personnages désabusés et désintéressés de l'humanité, la responsabilité de sauver ou non l'humanité. Théo fera appel à son instinct et se méfiera rapidement du groupe militant des poissons, dont les méthodes et les trahisons à répétitions effraient Théo même si ces derniers se battent pour une idéologie humaniste. Plus que les intentions de base, c'est bien la manière d'arriver à ses fins qui définit la notion d'humanité dans Les fils de l'homme. Joel privera l'humanité de sa guérison et de son salut en sauvant la vie d'Elie, un choix dépossédé de toute considération pragmatique, un choix définitivement humain. C'est cette fin ambiguë qui donne toute sa valeur à The last of Us et qui annonce une suite passionnante.




Si The last of us lorgne vers le cinéma , en reprenant notamment certains tics du cinéma indépendant ou par la mise en scène et l'interprétation poignante de ses cinématiques, Les fils de l'homme quand a lui se rapproche par moments du jeu vidéo.Notamment lors de ces plans séquences vertigineux de maîtrise où Théo doit se frayer un chemin à travers le chaos, mention spéciale à l'évasion de la ferme des Lucioles qui n'aurait rien à envier à n'importe quelle phase d'infiltration vidéo-ludique. Voilà deux œuvres qui nous invitent à travers le parcours de Théo et Joel à regarder le monde avec un peu plus d'humanité ,même lorsque tout semble perdu.



Pour aller plus loin :


Une vidéo d'Alphi sur les Fils de l'homme : https://www.youtube.com/watch?v=sNEwNmUTqU8


Une analyse passionnante de Lessons from the Screenplay sur les liens entre Les fils de l'homme et Logan : https://www.youtube.com/watch?v=HUgYoT_xEFY









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